21 avril 2012

Théâtre idiot

Fluctuat, fluctuat...
(extrait 8)
Le docteur : (au mousse, très détaché) Dites-moi, garçon, pourquoi le commandant ne descend-il pas ?
Le mousse : Il vous l’a dit, il est très occupé.
Le docteur : (après un temps) Oui, mais jusque là, tous les matins, il est venu passer un moment avec nous sur le pont.
Le mousse : (agacé) Jusque là oui, aujourd’hui non.
Le docteur : Pourquoi ? (le mousse ne répond pas – il a seulement un regard mauvais) De… demandez-lui quand même de venir.
La comtesse : Oui, demandez-lui.
Le mousse : Parce que vous croyez que je n’ai que ça à faire.
La comtesse : (intimidée) Non, mais… (avec beaucoup de gentillesse) Demandez-lui.
Le mousse : S’il vous plaît.
La comtesse : S’il vous plaît.
Le mousse : (suffisant) Je vais voir ce que je peux faire. (il s’approche de la passerelle) Commandant ! Le docteur et la comtesse souhaiteraient que vous vinssiez sur le pont. (le docteur et la comtesse se regardent avec étonnement) Je crois que votre absence les chagrine.
Le commandant : (bêtement) Ah, ah, vraiment ?
La comtesse :  Oui, euh… (se tournant vers le mousse) Dites-lui que nous nous inquiétons pour lui.
Le docteur : C’est ça, nous nous inquiétons.
Le mousse : Ils s’inquiètent pour vous, Commandant.
Le commandant : Ils s’inquiètent de quoi ?
Le mousse : De quoi ?
La comtesse : Mais, euh… de sa santé.
Le mousse : De votre santé, commandant.
Le commandant : Eh bien, ils ont tort, je me porte très bien.
Le mousse : Le commandant dit qu’il est malade.
Le docteur : (timidement) Euh… vous êtes sûr ?
Le mousse : (très autoritaire) Comment, je suis sûr ?
La comtesse : Demandez-lui ce qu’il a.
Le mousse : De quelle maladie souffrez-vous, Commandant ?
Le commandant : (avec vulgarité) Quelle maladie, oh, oh, j’ai faim, parbleu. Je souffre de la faim.
Le mousse : Le commandant craint d’avoir été contaminé.
Le commandant : Je mangerais bien un quartier de bœuf.
Le mousse : Il a un bubon à l’aisselle droite.
Le docteur : Euh… je ne voudrais pas vous contrarier, mais…(un regard autoritaire du mousse l’interrompt)
Le commandant : Qu’est-ce qu’ils foutent à la cuisine, bon dieu !
Le mousse : Il dit qu’il a de la fièvre.
La comtesse : Depuis quand est-il malade ?
Le mousse : Depuis quand avez-vous faim, Commandant ?
Le commandant. Mais ça fait bien une heure que j’attends mon petit déjeuner. Qu’est-ce qu’ils foutent bon dieu !
Le mousse : Ça l’a pris hier soir. (le docteur et la comtesse hochent la tête en s’éloignant)Au moment de se coucher, il a ressenti de vives douleurs à la tête et son aisselle était enflée.
(le docteur s’assied sur le bastingage et prend les jumelles)
Le commandant : (se penchant vers le mousse) Ils sont partis ?
Le mousse : Oui.
Le commandant : (riant comme un gamin) C’est pas vrai !
Le mousse : (très froid) Quoi donc ?
Le commandant : J’ai pas faim. C’était juste pour les éloigner.
    (le mousse jette au commandant un regard méprisant et se remet à balayer – le docteur regarde avec les jumelles)


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