La petite fille aux briquets avait froid aux pieds. Elle avait perdu ses tongs et on se gelait dans cette bonne ville de Copenhague la veille de Noël. Elle n’avait pas vendu un seul briquet de toute la journée et n’avait plus un seul petit centime pour s’acheter trois miettes de pain. C’était la misère et le grand désespoir. Pauvre petite fille. Elle s’assit tristement sur le trottoir dans le vague abri d’une encoignure et tira son tee-shirt sur ses genoux tout maigres. L’idée lui vint de se réchauffer les doigts à la flamme d’un briquet. Pauvre petite.
Clic ! La flamme jaillit, tremblotante dans le froid. Et tout à coup une grande lumière se fit et une étrange image apparut à la petite fille: une superbe chaudière à condensation lâchant sa vapeur à petites bouffées tranquilles. La fillette commençait à se réchauffer un peu quand la lumière s’éteignit.
Elle appuya à nouveau sur la molette du briquet. Clic ! Cette fois la flamme lui donna la vision d’un magnifique hamburger débordant de ketchup. La petite fille allait y mordre à peines dents quand la vision disparut.
Clic ! Nouveau halo de lumière qui montrait un sapin enluminé de guirlandes de toutes les couleurs et un Père Noël tout bronzé dans un bermuda rouge qui lui moulait bien les fesses et déposant mille cadeaux au pied du sapin. La petite fille tirait déjà sur la ficelle du premier paquet quand la lumière s’éteignit.
Trop bête quand même. La petite fille en avait marre de ces visions qui n’apparaissaient que pour disparaître. Alors, avec ses dix petits doigts engourdis par le froid elle alluma dix briquets du même coup. Clic ! Clic ! Clic !…
Oh ! fit-elle, ma tante Adèle !
Tante Adèle était là en effet, qui souriait à la petite fille aux briquets, qui la prit par la main et l’entraîna avec elle dans son sillon lumineux.
Le lendemain matin, un adolescent boutonneux découvrit le corps congelé de la petite, affaissé sur un tas de briquets.
Peuh ! dit-il, tous ces briquets et même pas une clope.
Anne Marbrun
2 commentaires:
On dirait un mélange du conte d'Andersen et de "La fille qui rêvait d'un bidon d'essence et d'une allumette".
Bien vu. Je n'avais pourtant pas pensé à Stieg Larsson en écrivant.
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